Poèmes antiques et modernes ; Les Destinées
«Cet homme, à qui ne manquent ni l'orgueil, ni le courage, ni les faiblesses, ce cœur chimérique et tendre, trouble, blessé d'un rien, déchiré dans l'amour comme dans la gloire et l'amitié, ce comte Alfred de Vigny, dernier du nom, a besoin de se raidir et de chercher une armature. Il ne peut, comme l'auteur des Fleurs du Mal, adhérer à sa misère intime dans un chant où chacun de nous se retrouve. Il s'y refuse, il le jugerait indigne, il se contient, il transpose, il fait des "élévations", il "pense". Mais ce grave Penseur est un homme, et non des mieux armés ; cet Esprit n'est heureusement qu'à demi pur. Vienne la grâce : c'est l'aveu, fût-ce dans la transposition ; et c'est le chant, hautain, délicat, percé d'amour, de souvenirs et d'appels, qui nous émeut d'autant plus qu'il s'est longuement étouffé, et qu'il prend, quels que soient ses thèmes et ses modulations, un accent quasi religieux. C'est dans cette mesure que Vigny (dont on connaît l'influence) incarne l'une des plus belles heures de notre poésie et de notre sensibilité.»
Extrait sonore